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    PASCAL LOKO

    Si plusieurs personnes ont assisté et participé à l'éclosion des jeunes Patrice et William Loko dans le milieu du football professionnel, personne n'était aussi fier de leurs trajectoires respectives que leur père, Pascal Loko (décédé en 2008). Personnage attachant et haut en couleurs, ancien footballeur amateur, à Orléans-Arago et Strasbourg, Monsieur Loko a transmis le virus du football très tôt à ses fils. S'étant rapidement orienté vers la pré-formation, il a ensuite suivi - et accompagné - leur envol dans les sphères professionnelles. Leurs carrières n'auraient pas été les mêmes sans la bienveillance et la lucidité de Pascal Loko et son épouse Danielle. Nous l'avions interrogé en septembre 2000, dans le pavillon familial de Bray-en-Val près de Gien, là où trônaient encore les coupes des compétitions de jeunes remportées par William et Patrice.

    PÈRE DE PATRICE ET PASCAL

    Entretien réalisé en août 2000 à Bray-en-Val

    Les premiers crampons

    Sully sur Loire 1979/1980 (photo : collection privée Famille Loko)
    Sully sur Loire 1979/1980

    Est-ce que la famille Loko avait le virus du football avant Patrice et William ? Avez-vous été footballeur vous-même ?
    Tout à fait. J’ai joué à Orléans en C.F.A. (NDLR – Championnat de France Amateur) pendant longtemps, un peu en troisième division également, puis comme stagiaire à Strasbourg. Mais je n’ai jamais été professionnel. J’ai eu un problème au genou et je suis revenu à Orléans au bout de six mois. Ma femme, elle, n’est pas du tout issue d’un milieu sportif, et le football ne l’a intéressé que lorsque nos enfants ont atteint un bon niveau.

    À partir de quel âge Patrice s’est-il intéressé au football ?
    J’ai passé sept ans comme éducateur au club de Sully-sur-Loire. J’emmenais mes garçons avec moi le mercredi après-midi lorsqu’ils avaient trois ou quatre ans, ils jouaient au ballon pendant que j’entraînais les plus grands. Patrice est réellement venu au football vers l’âge de cinq ans, quand je l’ai inscrit à la section débutant que nous avions créée à Sully avec mon ami Michel Rognien.

    À cette époque, le petit aimait bien pratiquer, mais regarder les retransmissions télévisées des matchs avec moi ne l’intéressait pas du tout. Il préférait rester avec sa mère, même lorsqu’elle repassait (rires)… J’en ai trop vite déduit qu’il n’aimait pas le foot autant que moi et j’en étais vraiment désolé.

    François M’Pelé sous le maillot parisien

    Enfant, avait-il une équipe préférée ?
    Paris. Depuis tout petit. Un copain commerçant, supporter de Paris et abonné au Parc, emmenait toujours les gamins du coin voir jouer l’équipe, et Patrice y allait très souvent. Il admirait Safet Susic qui était son joueur préféré.

    Même plus tard au centre de formation de Nantes, il avait l’écharpe de Paris dans sa chambre et personne n’a jamais osé faire la moindre remarque (rires) ! Il n’y en avait que pour le PSG ! Il faut dire qu’il a toujours baigné dedans. Lorsqu’il était plus jeune, mon ami François M’Pelé du Paris Saint-Germain nous rendait souvent visite.

    Quel était son niveau par rapport aux autres enfants ?
    Il était déjà très fort en poussins et en pupilles. Il a toujours été un joueur très collectif, mais il lui arrivait de partir seul de derrière avec le ballon pour aller marquer lorsque nous étions dominé ! Nous avons été champion du Loiret en minimes avec Sully, face aux « gros » clubs de la région comme Orléans, Montrais ou Amilly, en grande partie parce que nous avions, dans notre équipe, un joueur plus fort que les autres dans cette catégorie d’âge.

    L’avez-vous poussé à faire du football ou était-il demandeur ?
    Patrice, enfant, n’était pas demandeur. Il était bon élève, il avait d’ailleurs « sauté » une classe, et le football était pour lui plus un divertissement qu’une priorité.
 C’est davantage moi qui l’ai encouragé. Étant de la partie, je voyais bien qu’il avait des facilités, même si j’étais loin de penser qu’il deviendrait professionnel, et encore moins international !

    Il a intégré le sport-étude Football à Gien en 1983, son professeur principal, Patrick Gaspéroni, « Gaspé » comme nous l’appellons, est devenu par la suite un bon ami.

    Comment en est-il arrivé à jouer en Cadets Nationaux à Amilly ?
    Un peu par hasard. J’ai dû quitter le club de Sully, et je suis parti entraîner à Amilly. J’ai bien évidemment emmené Patrice et William avec moi. Ça devait être en 1983 ou 1984.

    Patrice était toujours un cran au-dessus là-bas. Il comprenait tous les exercices rapidement et les répétait avec aisance. Lorsqu’il participait à des stages de sélections locaux, j’ai toujours refusé de faire partie du jury. Je savais qu’il était le meilleur et je ne souhaitais pas que ma présence jette un doute sur les récompenses.
    En cadet première année, Amilly avait beaucoup de bons jeunes – dont Franck Gava – et une bonne équipe entraînée par mon ami Jean-François Laurent, qui s’occupe actuellement des jeunes au Paris Saint-Germain après être passé par Auxerre.


    La détection

    Quand et comment a-t-il été détecté par les recruteurs français ?
    Ça s’est passé en plusieurs étapes, je vais essayer de reprendre le fil des événements de manière chronologiques.

    SOCHAUX
    Je travaillais pour la société Peugeot dont le siège est à Sochaux. Un jour de 1984, je tombe sur une publicité pour un stage de football là-bas : une semaine payante dont les frais étaient remboursés pour les meilleurs éléments repérés…
 Le prix de ce stage était assez conséquent, mais on a fait l’effort pour y envoyer Patrice.
    Il en est revenu avec une lettre « passe partout », remise sans doute à tous les enfants. Il était bon, mais « à revoir »… et nous n’avons pas été remboursé des frais (rires) !
    Quoiqu’il en soit, j’étais assez déçu que personne ne l’ait remarqué alors qu’il était déjà très bon. J’ai eu un doute sur mon jugement personnel à ce moment-là.

    NANCY
    Aldo Platini – le père de Michel – recruteur pour Nancy, est venu à Gien voir jouer l’équipe des sport-études, fin 84. Il est venu me dire après le match : «  Je prends les deux gamins (Patrice et Franck) les yeux fermés ».
    On est donc allés à Nancy avec la famille Gava pour visiter les installations et assister à un match de championnat de l’A.S. Nancy-Lorraine. L’accueil était charmant et Franck a signé là-bas quelque temps après. Monsieur Platini savait vraiment juger du potentiel des jeunes footballeurs.

    NANTES
    Aux vacances de Noël 1984, Patrice et Franck ont participé aux présélections des joueurs de la Ligue du Centre, à Blois, pour la Coupe Nationale des Ligues qui se déroulait à Pâques l’année suivante.
    Suite à ça, le F.C. Nantes nous a contactés début 1985 pour les faire venir en stage. Ils s’y sont rendus pendant les vacances de février et sont rentrés pleins d’espoirs quant à une éventuelle carrière en professionnel, chose qu’ils n’avaient jamais imaginée.
    Ils ont réintégré leur sport-études à Gien en rentrant. Leur excellent professeur principal était notre ami Patrick Gasperoni, dit « Gaspé », actuel président du Tours F.C.
    Nantes nous a rapidement envoyé une réponse positive et Robert Budzynski, leur directeur sportif, est venu dîner un soir pour discuter de la signature de Patrice. Ma femme lui avait d’ailleurs cuisiné un « Saka-Saka » dont il se souvient encore (rires) !
    En revanche, ils n’ont pas donné suite pour Franck.

    AUXERRE
    Amilly était dans la même poule qu’Auxerre. Guy Roux avait lui aussi repéré Patrice fin 84. Il était venu à la maison pour nous convaincre de le lui confier. Je me souviens d’ailleurs d’une petite anecdote illustrant bien sa roublardise légendaire : à l’époque, j’étais représentant pour la marque Adidas et Monsieur Guy Roux m’avait dit : « On va avoir besoin de shorts et de chaussettes pour nos équipes de jeunes » (rires) !
    Patrice est donc parti quelques jours là-bas. Guy Roux, toujours très malin, avait installé notre fils dans la chambre des frères Boli (rires) !
    Je me souviens que le couple qui s’occupait du centre était très apprécié des gamins. Ils faisaient un peu office de parents de substitution, ce qui était très important pour ces jeunes entre quinze et dix-huit ans, loin de leurs proches pendant de longues semaines.
    Bref, notre fils est rentré très enthousiaste de son stage à Auxerre.

    LA COUPE NATIONALE DES LIGUES À VICHY
    Aux vacances de Pâques 1985 se déroulait la Coupe Nationale des Cadets à Vichy (NDLR : elle se passe désormais à Clairefontaine), qui réunissait les meilleurs cadets nationaux, mais aussi tous les recruteurs du pays.
    Patrice et Franck étaient évidemment sélectionnés avec l’équipe du Centre, suite au stage de Blois en décembre. Je n’ai pas pu m’y rendre à cause de mes obligations professionnelles, mais c’était pour nous un tournoi semblable à tous ceux auxquels participait Patrice habituellement. À aucun moment nous avons pensé que sa vie allait basculer.
    Nous avons reçu des dizaines de coups de fil, parfois jusque tardivement dans la soirée : Nice, Monaco, St-Etienne, PSG, Lens et même nos amis de Sochaux (rires) ! Une quinzaine de clubs au total… « Est-ce que votre fils peut venir chez nous ? ».
    Je savais que Patrice était plus fort que les autres gamins, à Sully et à Amilly, mais je me disais que ça serait déjà formidable de le voir évoluer à Orléans sous les ordres de mon copain Jacky Lemée (NDLR : entraîneur/joueur de l’USO lors de la Coupe de France en 1980). Je ne pensais pas que le gamin avait le niveau national, mais là, j’étais fixé. 


    J’ai fait le tri parmi tous ces clubs et j’en ai retenu cinq : Nancy, Auxerre et Nantes avec lesquels nous étions déjà en contact, plus Lens et Monaco. Il revenait ensuite à Patrice de faire son choix.

    LENS
    Concrètement, c’est Lens qui s’est manifesté le premier par l’intermédiaire de M. Aguirudis – directeur sportif de Lens à l’époque – qui est venu en personne à la maison. Ne voulant pas brûler les étapes, nous avons préféré prendre le temps de la réflexion. Ses arguments étaient en effet insuffisants pour avoir l’agrément immédiat de Patrice et le nôtre. Accessoirement, la somme proposée par le club pour un gamin de quinze ans ne me semblait pas en rapport avec les valeurs que ma femme et moi lui transmettions.
    Monsieur Aguirudis s’est montré très insistant, et nous a régulièrement téléphoné pendant les semaines qui ont suivi. Comme c’était un brillant recruteur, il savait pertinemment qu’en le prenant à quinze ans, Lens faisait une excellente affaire.

    MONACO
    Lorsque Monaco nous a contactés, ma femme a rapidement considéré comme rédhibitoire l’éloignement géographique. Mais les responsables monégasques ont tellement insisté pour nous faire visiter les installations que nous y sommes allés. Ça ne nous engageait à rien.
    Le centre de formation était flambant neuf (les stagiaires venaient juste d’emménager), les chambres très luxueuses : toilettes, douches individuelles, fenêtres donnant sur la mer… Aucun bruit dans les couloirs. C’était formidable de notre point de vue. Mais Patrice, pourtant calme de nature, trouvait l’ambiance pesante par rapport à Nantes ou Auxerre, dont les locaux étaient davantage pensés pour des adolescents : il y avait plus de distractions, l’ambiance apparente semblait moins « coincée », on entendait de la musique, des rires, quelques chahuts de jeunes… Bref, il y avait là-bas une vie qu’il ne semblait pas y avoir à Monaco.
    Le soir, Patrice nous a déclaré : « Je ne pourrai pas rester ici, je préfère aller à Nantes ou Auxerre : là-bas, c’est la campagne, il y a de la verdure, la rivière… À Monaco, il y a la mer, c’est vrai, mais on n’est pas là pour faire du tourisme… C’est très joli, mais je ne me vois pas y vivre. On est entouré de béton, les terrains d’entraînement ne sont pas sur place… ». 
Bref, par politesse, car nous avions été très bien reçus, nous avons dit aux responsables de Monaco que nous allions réfléchir et nous sommes vite rentrés dans le Loiret.

    Le choix

    Guy Roux et Pascal Loko
    Guy Roux et Pascal Loko

    Comment est-ce que la décision a été prise… et annoncée ?
    Notre dernier match de l’année se tenait à Auxerre… Quelques jours avant, les Nantais avaient rappelé pour nous relancer.
    Le jour « J », nous devions donner une réponse à Guy Roux. Celui-ci avait envoyé une lettre aux dirigeants d’Amilly pour inviter toute l’équipe à une petite réception à l’issue de la rencontre, sans doute pour fêter la signature du contrat de Patrice.
    Dans la voiture, avant de partir, j’ai dit à Patrice : « On a vu les cinq clubs, désormais tu dois choisir ». J’avais présélectionné les meilleures équipes, mais je souhaitais qu’il prenne lui-même la décision et l’assume pour ne rien me reprocher plus tard.
    Si ça avait été pour l’argent, nous aurions choisi Lens sans la moindre hésitation. Nancy lui plaisait bien, Monaco pas du tout. Restaient Nantes et Auxerre.
 Patrice a fini par me dire : « Je vais à Nantes ». Nous avons pris la route, devinant que Monsieur Guy Roux n’allait pas être content du tout.
    Je crois que nous avons fait match nul là-bas, ce qui était un bon résultat car contrairement à nous, l’A.J.A. (NDLR : Association de la Jeunesse Auxerroise) était un centre de formation, ce qui veut dire qu’il y avait un recrutement de bons éléments en amont. 
En revanche, les deux meilleurs sur le terrain furent incontestablement Patrice et Franck, qui avaient éclaboussé la rencontre de leur talent.
    Après le match, Guy Roux avait fait dresser un buffet, là où sont reçus d’ordinaire les pros. Il m’a pris en aparté dans son bureau pour connaître notre décision. Un peu gêné, je lui annonce que le gosse a décidé d’aller à Nantes… Je dois dire que l’ambiance s’est un peu refroidie (rires) !
    Depuis, les choses se sont tassées avec Guy Roux. Je suis resté copain avec lui et le croise souvent à Auxerre. Je connais d’ailleurs pas mal de gars du coin qui sont passés par là-bas, notamment Steve Marlet, un gars de Pithiviers, Bernard Diomède de Saint-Doulchard…

    Et votre commande de bas et de shorts ?
    Je n’ai jamais reçu le moindre bon de commande (rires) !

    Le F.C. Nantes

    Patrice à « La Jonelière »

    Parlez-nous de ses premières années nantaises…
    Quelques jours après le match d’Auxerre, comme convenu, Robert Budzinsky est revenu à la maison pour la signature d’un pré-contrat. Patrice est parti à Nantes à la fin des vacances d’été 1985.

    Il y avait Jean-Claude Suaudeau, directeur du centre et entraîneur, Raynald Denoueix comme éducateur. Miroslav Blazevic, l’entraîneur croate mais yougoslave à l’époque, est arrivé un ou deux ans après.

    En tant qu’éducateur, j’étais intéressé par les méthodes de travail nantaises qui faisaient déjà référence, et j’y allais parfois pour prendre des notes que j’appliquais avec les gamins dans mon club.

    Au départ, Patrice évoluait avec les cadets deuxième année. C’était la bagarre tous les samedis pour se faire une place dans les équipes de quatrième et troisième division. Patrice piaffait d’impatience d’évoluer à l’échelon supérieur et j’avais demandé l’avis de Denoueix, qui m’avait répondu « C’est trop tôt pour lui, il ne faut pas brûler les étapes, d’autres sont arrivés avant lui ». Il faut dire qu’à l’époque, il y avait des garçons comme Deschamps ou Desailly, de deux ans ses aînés.
    Les formateurs nantais m’avaient tous dit que mon fils avait des qualités et qu’il comprenait vite. Mais il y avait des étapes à franchir : centre de formation, équipes inférieures, puis réserve, puis entraînement avec les professionnels, puis apparition en équipe première, et ainsi de suite.

    Une année – je ne me souviens plus exactement laquelle – son équipe a terminé championne de l’Ouest. On lui avait appris qu’il reprendrait plus tôt la saison d’après, puisqu’il avait été décidé qu’il s’entraînerait désormais avec le groupe professionnel. Dans les jours qui suivent cette annonce, Patrice participait à des éliminatoires de je-ne-sais-plus-quel-championnat et il s’est blessé. Ne pouvant jouer le dernier match et reprenant avant les autres, il estimait légitime de partir en vacances plus tôt, quitte à abandonner ses coéquipiers. Sans m’en informer, il est allé voir ses entraîneurs, messieurs Denoueix et Suaudeau, pour les en informer. Les deux lui ont répondu : « Tu veux partir en vacances ? Très bien, fais ! » et Patrice revient chez nous un peu avant la date prévue.
    Une lettre de Nantes nous est parvenue peu après, disant en substance « Patrice, qui devait reprendre l’entraînement avec le groupe professionnel la saison prochaine, a préféré partir en vacances avant ses camarades. Il pourra pleinement en profiter, puisqu’il fera sa rentrée avec le reste du centre de formation, comme les années précédentes ». J’ai passé un sacré savon à Patrice : « Tu as la possibilité d’être professionnel, et simplement pour être en vacances plus tôt, tu t’exclus de ton équipe ! ».
    La lettre d’excuses envoyée aux coachs n’a rien changée. Ces derniers ont maintenu leur position. Il a repris avec le centre de formation.
    Après deux mois de bonnes performances en C.F.A. (NDLR – Championnat de France Amateur), il a finalement intégré le groupe professionnel. Il a régulièrement fait des apparitions avec la réserve nantaise en troisième division quelque temps après.
    Je crois qu’il a bien retenu la leçon, mais un autre aurait pu perdre sa carrière comme ça.

    Albert Lobé et Pat’, Leningrad 1985

    (Mme Loko intervient) Sans lui chercher d’excuses, il faut préciser qu’il faisait toujours partie des sélections nationales de jeunes depuis son arrivée à Nantes. Quand ses copains repartaient chez eux pendant les vacances scolaires. Il avait des tournois, et ne rentrait quasiment jamais. Il se réjouissait de passer enfin quelques jours à la maison, où il faut bien admettre qu’il ne venait plus que très rarement.

    (Pascal Loko) Quand Nantes venait jouer à Paris ou à Auxerre, Budzinski me donnait des places pour les matchs et dans la journée, j’allais voir les joueurs à l’entraînement ou à l’hôtel. Une fois, j’ai croisé Antoine Kombouaré qui m’a apostrophé : « Monsieur Loko, Patrice s’entraîne avec nous, il ne va pas tarder à intégrer l’équipe !  » J’étais le plus heureux des hommes !

    Comment avez-vous vécu son premier match en D1 ?
    De passage à Orléans, un copain m’a dit : « J’ai vu la composition des équipes dans la presse ; ton fils est remplaçant ce soir avec Nantes contre Bordeaux ». Aussitôt,  j’ai acheté le journal et je suis vite rentré chez moi avertir mon épouse.

    Patrice ne vous avait pas prévenu ?
    Non, il ne nous avait rien dit ! J’ai appris ça totalement par hasard.

    Nous n’avions pas Canal Plus à l’époque, alors nous nous sommes invités chez mon copain Renard, à Sully, qui était abonné. Nous n’étions pas certains qu’il jouerait mais vers la fin du match, les caméras l’ont montré en train de s’échauffer et il est rentré pour les dix dernières minutes ! Nous étions cinq ou six copains, et l’ambiance était indescriptible ! J’étais en larmes !


    Au début à Nantes, ils faisaient jouer les jeunes cinq, dix, quinze minutes, de manière très progressive. Patrice a commencé à jouer de plus en plus régulièrement. On débarquait à quinze ou vingt avec les copains de Sully lorsqu’il venait jouer contre Paris ou Auxerre. Sympas, les autres joueurs nantais lui donnaient leurs invitations puisqu’il était le « régional de l’étape ».

    Vous me laissiez entendre il y a peu que la fin de l’aventure nantaise fut compliquée…
    Globalement, depuis son arrivée jusqu’à la dernière saison, tout s’est parfaitement bien déroulé à Nantes. Messieurs Denoueix et Suaudeau étaient très corrects. 
Mais lors de la dernière saison, Patrice souhaitait quitter le club. Eux ne le voulaient pas, alors que c’était plus ou moins convenu depuis la saison d’avant. Ils ont donc tout fait pour l’en empêcher. Pourtant, il ne lui restait qu’une année de contrat, Nantes avait donc tout intérêt à le vendre…

    Il s’est ensuite passé des histoires bizarres là-bas, dont nous n’avons eu connaissance que lorsque Patrice a eu ses graves problèmes, juste après son transfert au P.S.G. Ce fut une épreuve terrible à vivre, pour nous, ses parents. Nous avons eu très peur pour notre fils.

    Le Paris Saint-Germain

    Comment avez-vous vécu cet épisode difficile ?
    J’ai appris la nouvelle en voiture, en allant voir un client. Je suis immédiatement rentré pour appeler le club et prendre des nouvelles… Les dirigeants parisiens m’ont rapidement mis en relation avec leur avocat.

    Debout : JF Laurent, Montanier, LeGuen, Leroy, Guyot, LeFrapper, Pignol, Guérin, Pascal Loko.
    Jubilé de Pascal Loko, 1997

    Maintenant que Patrice est guéri, ça va bien mieux, mais c’était une période affreuse et d’autant plus compliquée à vivre que nous lisions tout et n’importe quoi à son sujet dans la presse. S’il n’y avait eu que des âneries écrites, mais beaucoup de propos étaient mensongers et orduriers. Alors j’ai pris mon courage à deux mains, et je me suis décidé à parler. Assis dans mon couloir devant le téléphone, j’ai passé des soirées à répondre à toutes les interviews affligeantes de toute la France, pour rétablir un peu de vérité et défendre l’honneur de notre garçon. Même France 2 est venu filmer ici (pensif)… Quel cinéma.
    Durant cette période, je suis toujours resté calme, mais c’était invivable. 
Maintenant, c’est du passé, il s’en est bien remis mais nous avons vraiment cru le perdre.
    Le P.S.G. a été parfait avec lui, et avec nous. Outre la mise à disposition de leur avocat, ils nous ont aidé dans toutes les démarches. Patrice se soignait en clinique le matin. L’après-midi, un entraîneur du club, qui pouvait être Toko, Bats ou Thierry Princet, venait pour lui faire un petit entraînement.

    À votre avis, quelles ont été les conséquences sur la carrière de Patrice ?
    Sa difficulté à quitter Montpellier actuellement en est une. Malgré la descente du club en deuxième division, Patrice a fait une bonne saison et était le meilleur joueur de l’équipe. Son image est meilleure maintenant, mais cette histoire lui a fait du tort et certaines personnes dans des clubs pensent qu’il est encore malade.

    Pascal LOKO avec Léonardo, Paris 1996/1997

    Quel est votre avis sur sa troisième saison parisienne ?
    En 1997, Patrice était international et tenait sa place en équipe de France. Le club parisien a fait un recrutement d’attaquants très onéreux, Patrice a senti qu’il ne jouerait pas – la suite lui a d’ailleurs donné raison – et en plus il a eu de nouveaux problèmes qui ont évidemment compliqué la donne. Il est bien revenu, mais malgré la baisse de performances rapide et persistante de Florian Maurice, et les mauvais résultats du club, l’entraîneur Ricardo n’a pas fait tourner l’effectif et n’a pas donné sa chance à Patrice. Il aurait apporté quelque chose à l’équipe – on l’a bien vu en finale de la coupe de la Ligue où il a surclassé tout le monde et changé le destin de ce match – mais le coach n’en n’a pas tenu compte. Il fallait surement faire jouer Maurice pour le vendre, alors…

    Patrice a vraisemblablement perdu sa place dans le groupe pour la Coupe du Monde pour cette raison, et j’ai une pointe de ressentiment envers Ricardo à cause de ça.

    Pascal LOKO avec le parisien C. Pouget, 1996/1997

    Comment jugez-vous la carrière de votre fils jusqu’à présent ?
    Malgré des problèmes qui lui ont porté préjudice, Patrice a fait une très belle carrière. Amateur puis professionnel, européen puis champion de France avec Nantes, meilleur buteur du championnat, champion d’Europe avec le PSG… Il a été dans toutes les équipes nationales : cadets, juniors, espoirs, A’, A. Il a participé à une phase finale du championnat d’Europe des nations… Il a eu une trajectoire dont rêvent tous les jeunes footballeurs. Je suis très fier de lui.

    Pensez-vous qu’il puisse se relancer dans une équipe ambitieuse ?
    Oui, et c’est pour cela que j’aimerai qu’il parte à l’étranger. En Angleterre, un gars qui joue bien a son contrat facilement jusqu’à trente-cinq ans. Au niveau qui est toujours le sien aujourd’hui, s’il fait une bonne saison, il peut se montrer. C’est ce que je lui souhaite dans l’immédiat.